Love me in quarantine

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Vous le savez, le premier avril est toujours l’occasion pour moi de vous concocter une petite blague. Cette année, confinement oblige, voici ma nouvelle “Love me in quarantine” qui reprend Véro, le personnage de cagole de Love me if you Cannes

Love me in quarantine.

Une romance de cagole confinée par Tamara Balliana

La première fois que je l’ai vu, cela devait être un jeudi, ou peut-être un mardi. Peu importe puisque j’avais perdu le fil du temps. Les jours se ressemblaient tous depuis la fermeture des boutiques rue Meynadier. L’enthousiasme des apéros visio s’était depuis quelques jours éteint, tout comme les flammes des braseros aux terrasses de café.

Je sortis sur mon balcon pour mon rituel du vingt heures, observer tous ces gens que je n’avais jamais rencontrés. Ou alors était-ce parce qu’ils étaient en pyjama ? Moi-même je n’avais pas fière allure. La Véro des temps anciens, celle qui portait des robes en lycra et des sandales à paillettes s’était depuis longtemps évaporée sous une couche de pilou-pilou. Le seul rappel de cette période faste était le gel et les strass sur mes ongles. Mais même eux portaient les stigmates du confinement : la repousse qui les vouait à l’inévitable disparition un jour prochain.

Alors que je tapais des mains, sans même le sentir (grâce aux cals développés par ce rituel), mon regard se porta sur le balcon du deuxième étage de l’immeuble d’en face. Il était là : le beau brun aux yeux verts. Du moins, ils avaient l’air verts de là où je me trouvais, mais après trois verres de rosé, je n’étais plus sûre de rien. Vêtu d’un bas de pyjama, et de pantoufles, il n’en était pas moins le plus bel homme que j’ai vu depuis longtemps, ou même le seul si on faisait abstraction du livreur Amazon.

J’essayais d’attirer l’attention de mon beau brun, et je fus récompensée lorsque malgré la distance et les géraniums nous bouchant partiellement la vue, son regard se riva au mien. Une chaleur plus intense que la satisfaction de pouvoir acheter un paquet de pâtes me traversa tout entière. Je faillis en faire tomber mon verre de rosé ! Ce qui ne fut pas le cas, et fort heureusement, car il était issu de mon dernier cubi.

Le lendemain, après une nuit à me convaincre que le véritable amour pouvait se trouver là, de l’autre côté de la rue, je pris les choses en mains. Je commençais par un bon lavage de cheveux revigorant. Je m’attaquais ensuite à mes sourcils qui malgré toute l’admiration que j’ai pour Frida Kahlo, ne pouvaient rester dans cet état. L’étape du fond de teint ne fut pas une mince affaire. Privée depuis trop longtemps du soleil cannois, j’étais aussi pâle qu’un parisien à son arrivée sur la Croisette. Au fur et à mesure que les teintes orangées de ma peau réapparaissaient, un sentiment de bien-être m’envahit. Véro était en train de renaître de ses cendres. Un coup de crayon marron autour des lèvres et de rouge à lèvres fuchsia, et je me sentis à nouveau d’attaque. Il n’y a que le port du soutien-gorge que je ne me résolvais pas à reprendre. Après tout, le confinement avait libéré les femmes, qui étais-je pour réduire son œuvre à néant ? J’enfilais le plus sexy de mes leggings, celui à imprimé léopard. Alors que la nature nous est interdite, ce choix me semblait comme une évidence.

N’écoutant que mon courage (et peut-être un peu mon ennui) je dégainais mon plus beau stylo pour remplir mon attestation de sortie. On ne pouvait me refuser ce besoin vital, cette nécessité de réapprovisionner en amour mon petit cœur flétri.

Avant de partir, je jetais un coup d’œil au miroir, je lui souris.

— En route pour la chasse au beau gosse confiné !

Le cœur léger, et l’âme d’une guerrière en tête, je dépassais le local à poubelles. Cette frontière que ne m’étais pas autorisée à franchir depuis trop longtemps. Dans la rue, à travers mon masque cousu main dans une ancienne robe à fleurs, je tentais de déceler les odeurs du printemps. J’hésitai un instant à profiter de mon heure d’activité physique quotidienne, mais je me rappelais avec malice que si tout se passait comme je l’espérais, celle-ci pourrait s’effectuer en intérieur, et en duo.

Fébrilement, je tapais sur le digicode de l’immeuble de ma proie. J’avais observé le concierge aux jumelles le matin même, pour me le procurer. Une fois la porte franchie, je dégainais mon gel hydroalcoolique pour désinfecter mes mains. Je ne jetais même pas un regard à l’ascenseur, ce nid à microbes, l’escalier ferait le plus grand bien à mes fesses en mal d’activités. Deux étages plus tard, je me trouvais enfin devant ce qui me semblait être son appartement.

Après une grande respiration, je tapais du coude sur le battant avant de reculer d’un bon mètre. La porte s’ouvrit et mon pauvre petit cœur en mal de sensations fortes se mit à battre à la chamade. Il était là : le beau gosse de l’immeuble des aubépines. Si sexy dans son jogging aux couleurs de l’AS Cannes, et sa veste Quechua. Derrière lui, au-delà du mur de Moltonel triple épaisseur, je pouvais distinguer les paquets de Barilla empilés, je sus à cet instant qu’il était là : le survivaliste qui m’était destiné.

— Véro ? s’étonna-t-il.

Il connaissait mon nom ! En d’autres temps, cela ne m’aurait pas surprise, moi la figure de la rue Meynadier. Mais en ces temps de distanciation sociale, cela signifiait beaucoup.

— Oh Véro ! Si j’osais…

Il fit un mouvement vers moi, avant de se retenir. Prenant mon courage à deux mains, je proposai :

— On pourrait peut-être… se confiner ensemble ?

Il ferma les yeux un instant. Je sentis qu’il luttait, et je fis de même pour ne pas me jeter à son cou. 

— Tu…tu n’y penses pas. C’est insensé ! Ce serait prendre trop de risques ! Sans parler du fait que…

J’étais suspendue à ses lèvres lorsqu’il m’annonça :

— Je suis prof Véro, je pourrais très bien être appelé aux fraises.

J’étais sans voix. Je refoulais mes larmes pour ne pas céder devant lui. Je devais me montrer forte.

— Ne t’inquiète pas Véro. Donne-moi ton adresse email, je t’écrirais tous les jours.

Alors que je récitais la liste de mes identifiants sur les réseaux sociaux, je me rendis compte d’une chose : le confinement n’était pas une fatalité. Mon beau voisin et moi allions entamer une correspondance. Nos échanges épistolaires allaient entretenir notre flamme, le temps que nos deux corps puissent se trouver. Si les étreintes passionnées étaient proscrites pour l’instant, les regards embrasés par visioconférence ne l’étaient pas. Il fallait juste être un peu imaginatif…